Laudato Si
" Premières réflexions du Père Thierry de l'Epine à la lecture de l’Encyclique du Pape François « Laudato si » sur le souci de la maison commune "
« Un appel à la conversion courageux et lucide : instaurer un dialogue permanent entre l’idée et la réalité, afin d’éviter que « l’idée finisse par être séparée de la réalité ». Le conseil, plein de bon sens, que le Pape François avait proposé dans sa première encyclique (Lumen Fidei), trouve une application directe dans ce second texte consacré à l’écologie.
En effet, dans cette nouvelle encyclique publiée le 18 juin, le Pape François décrit d’abord la réalité brute d’une crise inédite menaçant directement les équilibres naturels et sociaux de la planète. Dérèglement climatique, raréfaction des sources d’eau potable, pollutions diverses, accumulations de déchets toxiques, perte de la biodiversité, destruction des paysages naturels, menaces sur la dignité de la vie humaine, accroissement des inégalités sociales : le constat est là, lucide. Et comme l’a fait Jean XXIII (Pacem in terris »), durant le Concile Vatican II, lorsqu’il interpella la conscience mondiale face au péril nucléaire de la guerre froide, le pape sud-américain s’adresse à tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté pour réagir ensemble face à la crise écologique en cours.
Dans son style simple et direct si caractéristique, après avoir décrit sans ambages ces défis inédits et leurs causes profondes, il propose une mobilisation collective pour défendre les biens communs essentiels à la vie. Une « écologie intégrale » qui s’adresse à chacun, responsables politiques ou dirigeants de multinationales, familles d’aujourd’hui et de demain ou petites communautés agricoles, écologistes militants ou adeptes d’une tradition spirituelle du monde. Une multitude de réalités humaines qui sont autant de réalités sociales qui peuvent enclencher les « conversions nécessaires » dans nos modes de vie. Et retisser ainsi les liens avec le Créateur, avec les autres et avec la Terre. Car « tout est lié », souligne le pape François dans un nouveau conseil plein de bon sens ». (Père Dominique Lang)
Cette Encyclique est marquée d’un grand souffle : tout au long, le Pape François encadre un panorama dramatique de l’environnement par la louange et l’émerveillement pour relever le défi, excluant tout regard de désespoir. Il invite à un soin de la « maison commune », maison de tous les hommes et de tous les êtres vivants. Dès le premier chapitre, le Pape veut entrainer l’humanité à changer de regard et de modes de vie. La culture occidentale porte en elle un esprit de destruction. Il propose un chemin pour examiner sa conscience et invite à aller au plus profond dont tout être et porteur en nous mettant à sa place pour le lecteur que nous sommes, à un nouveau rapport à l’environnement pour un changement pratique. Que propose-t-il ? Un panorama de la dégradation de notre sœur la Terre, notre « maison commune » : pollution, ordure, culture du déchet, le climat comme bien commun, l’eau potable, la perte de biodiversité, détérioration de la qualité de la vie humaine, détérioration sociale, inégalité planétaire, faiblesse des réactions, diversité des opinions… Il cherche à convaincre les chrétiens et tous les êtres de bonne volonté. Il nomme les difficultés, montre les maux pour les guérir. Il nous invite à écouter les souffrances de notre planète : la terre et les pauvres crient ensemble. « Si le regard parcourt les régions de notre planète, il s’aperçoit immédiatement que l’humanité a déçu l’attente divine ».
Points forts :
- Le Pape met ensemble l’amour de la nature et l’amour des plus pauvres. Il place son Encyclique sous le patronage de Saint François d’Assise, pas seulement amoureux de la nature mais aussi des pauvres.
- Le Pape veut que nous nous situions dans un esprit d’unité : il parle de famille : mère, sœur, maison commune. Si nous acceptons de nous situer ainsi, alors nous allons trouver des solutions : appel à un changement du regard et du cœur.
- Un appel à toute l’humanité, à tous les hommes, toutes les femmes de bonne volonté
- La situation de notre planète est dramatique : situation de dégradation générale : pollution, manque d’eau potable pour un milliard d’hommes, un climat déréglé, disparition générale de la biodiversité. Plus grave, ces dégradations pénalisent les plus pauvres, aggravent les inégalités entre les peuples, risque de conduire à de nouveaux conflits.
- Nos modes de vie occidentaux sont à l’origine des bouleversements de la planète : nos modes de vie se déploient dans tous les pays qui cherchent à se développer. Le Pape pointe deux réalités :
l’hyperconsommation compulsive, maladive
le gaspillage en tout genre : la culture du déchet
- Le Pape invite toute l’humanité à une conversion écologique : la racine du problème se trouve dans notre cœur. Les solutions économiques et techniques ne suffiront pas. Il faut que le cœur change ainsi que le regard. Nous sommes appelés à passer d’un regard de prédation et d’exploitation à un regard de veille sur notre terre, notre sœur, notre maison commune.
- Le Pape nous donne une méthode, non pas des solutions parce que les problèmes sont complexes. Il propose une méthode pour trouver des solutions : « l’écologie intégrale », à savoir prendre soin de chaque être de la nature, de chaque être créé : cela va de pair avec le soin que nous apportons à toute vie humaine, notamment les plus pauvres et les plus fragiles. Et si nous retrouvons un regard de joie et d’émerveillement devant la beauté de la Création, nous réaliserons ensemble cette écologie intégrale. Vraiment, l’avenir de la planète dépend de notre capacité à percevoir avec joie la beauté de la Création.
- Le Pape appelle à un accomplissement de l’humanité dans un texte d’une très forte spiritualité : conversion un esprit d’amour et de louange. Il nous faut tout tenir pour ne pas tout perdre. Si nous ne faisons rien, la fracture entre riches et pauvres va s’aggraver. Le Père Ceyrac commençait toujours sa conférence par de l’émerveillement sur la beauté du monde, sur l’œuvre de Dieu. Chemin long.
- Le Pape condamne une forme d’arrogance technique et économique. Nous voyons dans les dérèglements de l’environnement le visage déformé de nous-mêmes, de notre vie intérieure. Notre cœur est plein de violences. Comment allons-nous faire pour sortir de cette matrice qui fait de nous des dominateurs, des prédateurs. Il descend à la racine du mal : l’emprise de la technique sur la vie, sur nos modes de pensée.
- Le ton du Pape est prophétique. Sa condamnation n’est pas sans appel quand il invite à une conversion possible du cœur et du regard. La racine de nos problèmes est spirituelle. L’Eglise nous ramène ainsi à la racine spirituelle de notre violence, de notre indifférence à l’égard de la création, des pauvres. Nous ne pouvons faire machine arrière. Faire le choix d’une écologie intégrale est trop complexe pour être abordé d’un point de vue particulier. Appel à mettre ensemble les différentes visions de l’écologie.
Thierry de L'Epine, Président